De solombavambahoaka (celui qui mange à la place du peuple) à solombavambahoaka (celui qui parle pour le peuple), du 4x4 au Karenjy

mose njo
11 min readJul 22, 2019
© Pierrot Men, pape Jean-Paul II à Madagascar, dans une Karenjy, qui parle pour la Paix entre les Humains et ne mange pas à la place des Humains.

Lui, c’est le Pape Jean-Paul II, on y reviendra, mais avant toute chose, un député, c’est quoi?

Eh bien, un député, normalement, c’est un citoyen élu par suffrage direct par les électeurs dans une zone géographique donnée.

Un suffrage est direct quand les électeurs choisissent directement les personnes qu’ils souhaitent siéger au parlement.

Le parlement, c’est:

étymologiquement, l’endroit où l’on parle et c’est une assemblée ou un ensemble des assemblées qui assure la représentation du peuple dans les Etats démocratiques. Lieu de délibération et détenteur du pouvoir législatif, il est principalement chargé de voter les lois et le budget et de contrôler l’action du gouvernement.

A Madagascar, le scrutin est uninominal, à un tour, mais ailleurs, il existe d’autres modes de scrutins comme les systèmes à deux tours et les scrutins proportionnels.

Pour info, le principal souci avec les systèmes à un tour, c’est que ça conduit souvent à un taux d’abstentionnisme inquiétant comme on a pu le constater à maintes reprises. Pour les dernières législatives à Madagascar par exemple, 60% des électeurs ont préféré ne pas voter pour une raison ou une autre. Mais bon, c’est le système en place qu’on s’est choisi. More or less. Qu’on s’est choisi en toute connaissance de cause? — Hum.

Et un député, ça fait quoi?

Eh bien, un député, normalement, ça participe au travail législatif et au contrôle du gouvernement. Du moins, c’est qu’ils font en France. Et c’est ce qu’ils sont censés faire à Madagascar même si, bizarrement, le scrutin à un tour se rapproche plus du système britannique (une Monarchie parlementaire) que du système français (une République)— à deux tours.

© Infographie quel est le rôle du député, sur vie-publique.fr

Un député, à Madagascar, est élu pour cinq ans. Pour la petite histoire, les premières élections législatives à Madagascar ont eu lieu en 1946 et le premier parlement de l’histoire est celui d’Islande, en 930, appelé l’Althing. Plus de 1 000 ans avant le premier parlement de Madagascar donc, histoire de se mettre en perspective, et pour une petite dose d’humilité, on en a toujours besoin.

© Althing, https://www.althingi.is

Un député, normalement, c’est un législateur, une personne qui écrit et fait passer des lois. En anglais, ils appellent ça, sans équivoque, lawmakers, ou les faiseurs de lois. Si l’on traduisait ça en malgache, ça ferait: mpanaolalàna en un seul mot comme solombavambahoaka en un seul mot aussi.

Et en parlant de ça, un solombavambahoaka, à Madagascar, c’est quoi, aux yeux de l’opinion surtout, nationale comme internationale?

Eh bien, hélas, ces derniers temps, un solombavambahoaka est une notion, une fonction, un seza (un siège), un poste à connotation fortement péjorative. Pourquoi? D’une certaine manière, les personnes qui ont traduit député en malgache ont cru avoir la bonne idée de traduire ce mot du français par une certaine définition de ce dit mot. A savoir, solom-bavam-bahoaka ou ceux qui remplacent la bouche du peuple. A la base, ça renvoyait sûrement à un sens qui se rapprocherait du:

Qui parle au nom du peuple.

Mais force est de constater, hélas, que la fonction de la bouche est passée de la théorie (d’une noble intention) qui était l’action de parler à une pratique (un constat éhonté) qui est l’action de manger.

Qui mange à la place du peuple.

Quant à savoir quand le sens s’est perverti — si dès fois il a jamais conservé son sens premier — c’est une autre histoire, et se faire une idée sur la question est somme toute aisée.

Antenimiera, l’Assemblée de Madagascar (comme Bundestag en Allemagne, Althing en Islande, ou encore Douma en Russie), malgré son beau et inspiré nom qui rappelle que la parole et les décisions sont prises d’une façon concertée, souffre d’une renommée sulfureuse. Pour faire court, la renommée des députés est l’inverse de celle des Barea. Et c’est dire.

Mais ça, on va dire, ça c’est le passé. Ça, je l’espère, c’est le passé. Je l’espère. Un peu comme tout le monde qui souhaiterait une Madagascar meilleure dans tous les sens du terme et qui serait certainement du même avis que moi en espérant que tout ça, ça change, enfin, avec ce vent d’espoir et de réalisation d’un rêve IMMENSE que le foot à travers les Barea a apporté.

© cafonline

Et comme maintenant, en 2019, on voit CLAIREMENT que les rêves mêmes les plus fous peuvent devenir réalité, on se met à rêver d’une Antenimiera autrement. Un rêve moins fou que celui réalisé haut la main par les Barea, un rêve tout simple, un rêve accessible. Un rêve qui ne demanderait qu’une seule et unique chose:

Que les députés fassent ce pourquoi ils ont été élus: faire le travail législatif et de contrôle du gouvernement.

Et pour ce faire, passer de solombavambahoaka (celui qui mange à la place du peuple) à solombavambahoaka (celui qui parle pour peuple), rien de plus, rien de moins.

Les Unes des journaux vont donc conter leurs exploits au lieu de leurs scandales comme leurs prédécesseurs nous ont, hélas, habitués, une honte.

Rêver de députés (et par la même occasion de politiciens) loin de cette personne qui se goinfre sur le dos du peuple donc.

© Pov

Hélas,

Aux dernières nouvelles, force est de constater qu’un tollé a enflammé la toile ces derniers temps, un bad buzz monstre à propos d’une controverse qu’on espérait d’un ancien temps: les 4x4 de nos chers députés. La première chose que l’on entend donc à propos de l’Antenimiera, c’est ça: les 4x4. Encore. Un signal fort inquiétant et à l’opposé de ce que l’on attend d’eux. Et comme le dit, avec véhémence et lucidité, 2424.mg:

À peine élus, les députés version 2019, commencent déjà à faire parler d’eux et pas en bien : les députés demandent des 4x4. Pour rappel, cette demande avait déjà créé un tollé général dans l’opinion publique, lorsque leurs prédécesseurs avaient exigé le même avantage.

J’espère que c’est juste un malentendu, j’espère que les députés ne vont pas nous ressortir le même scénario, j’espère qu’ils auront la lucidité et le bon sens de rattraper le coup.

Et pour ce faire, ils ont même l’occasion de montrer:

  • à leurs électeurs,
  • à ceux qui ont élu un autre candidat,
  • et à ceux qui ne se sont pas déplacés pour voter (une bonne 60%, rappelons-le),

Que le changement, c’est maintenant, que les 4x4, au fait, c’est juste un malentendu, qu’au contraire, ils vont faire les choses autrement, et en bien, en suivant l’exemple des Barea, pour une Antenimiera autrement.

Car même les pays développés, riches comme tout, ne se permettent par d’offrir à leur centaine de députés une 4x4 de chaque, et comme ici, comme le souligne toujours aussi bien 2424.mg non sans ironie:

En 2018, Madagascar était classé 4ème pays le plus pauvre du monde ! Quelle est donc la logique des députés, représentants du peuple, avec l’argent du peuple ? Ha oui c’est vrai, on a oublié, le peuple se déplace dans les meilleures conditions, va dans les meilleurs hôpitaux, peut envoyer ses enfants dans les meilleurs écoles, accède à la culture, mange à sa faim, a l’eau courante et l’électricité, bref la belle vie au quotidien…

Le 4x4 est — il est plus qu’utile de le souligner — dans l’inconscient collectif malgache, le filanjana, celui qui est dedans (dessus) se pense au-dessus du peuple, et ceux qui ne sont pas dedans (dessus) ne portent pas en estime ces personnages qu’ils qualifient de profiteurs, pour rester poli.

Dans une 4x4, c’est tout un monde de privilèges que l’on pense s’arroger. Les embouteillages. Pourquoi je perdrais mon temps à vouloir régler ce problème d’embouteillage quand dans mon 4x4, je peux faire du pin-pon pin-pon et aller à contre-sens si je le veux, comme je le veux? Les routes abîmées, mal pensées, mal entretenues. Pourquoi je perdrais mon temps à vouloir régler ce problème quand du haut de mon 4x4, ça ne me fait rien du tout, mais absolusement rien du tout?

La 4x4, dans l’inconscient collectif, c’est le filanjana. Et le député, dans son inconscient, c’est une sorte de seigneur de notre temps. Dans une 4x4, ils se voient seigneur, et ceux qui n’y sont pas, le peuple, ils les voient comme des serfs. Loin des idées que l’on devrait se faire d’une République digne de ce nom donc. Ou d’une République tout court.

Régler le problème 4x4 — que l’on pourrait appeler le 4x4gate — c’est régler le problème du peuple, des citoyens, avec les élus, les députés, et pourquoi pas toute la classe politique. Régler ce problème de la meilleure façon possible va envoyer un signal fort, comme quoi, les députés sont les représentants élus du peuple et se soucient d’eux, et ne se contentent pas (plus) de juste de les regarder de haut de leur filanjana, de gaspiller l’argent public et de leur faire les yeux doux quand viennent les élections.

Et justement, et justement, une occasion se présente. Une occasion pour bien faire, pour effacer le 4x4gate et en faire quelque chose de mieux. Une occasion pour bien signifier le changement tant prôné.

Mais quelle occasion? Dans un premier temps, j’ai pensé:

Pourquoi ils ne prendraient pas le bus, ne monteraient pas à vélo, ne marcheraient pas à pied, comme les électeurs (ceux qui leur donnent le pouvoir, durant un temps déterminé), comme le fait Mark Rutte, le premier ministre hollandais? Oui, pourquoi pas?

© carfree.fr, Mark Rutte, premier ministre hollandais, avec son vélo.

L’idée semble attrayante mais Madagascar n’est pas Hollande, Amsterdam n’est pas Antananarivo. Hélas. Ça va entraîner des complications assez évidentes. For now. (Les députés et les politiciens en général devraient tout de même prendre le bus de temps à autre — loin des calculs politiques juste pour la photo — histoire de voir ce qu’il en est réellement de se mettre dans les baskets de leurs concitoyens, si baskets ils ont.)

Si ça ne marche pas, alors que faire pour donner un signal fort que le changement, c’est maintenant, et vraiment?

Ça ne doit pas être difficile à trouver je me dis, quelques idées traversent mon esprit, des idées plus ou moins faisables, mais une chose attire mon attention. Une chose qu’il y a un an encore m’aurait paru farfelu. Un peu comme voir les Barea participer à la CAN, un peu comme voir les Barea battre le Nigéria 2–0, un peu comme voir les Barea arriver en quart de finales, un peu comme faire battre à l’unisson tout le peuple de Madagascar d’ici et d’ailleurs, mais pas que.

Cette chose qui attire mon attention, c’est une pétition qui arrive sur mon fil d’actualités Facebook. Une pétition à l’attention de la Présidence, de la Primature et de l’Assemblée nationale, qui préconiserait des Karenjy pour nos députés et pour les autorités en général.

Sur cnrtl.fr

Oui, des Karenjy. La pétition a fait le buzz. J’avoue que je ne connaissais pratiquement rien de la Karenjy avant tout ça mais après recherche et réflexion, je me suis surpris à admirer l’histoire derrière cette voiture qui est quand même la première et la seule marque de voiture produite à Madagascar, par des gens de Madagascar. Comme moi. Comme toi. Comme cette personne que tu croises dans la rue et que t’as même pas idée que dans la vie, eh bien, elle fabrique des voitures. Karenjy a même été la première voiture produite dans toute l’Afrique en ce temps. On l’oublie souvent, mais Madagascar a souvent été à l’avant-garde de l’Afrique. Transformer le a été en est serait tellement bien.

Tu te dis sûrement, mais qui pourrait bien monter dans une Karenjy?— Je sais pas moi, le pape peut-être?

© Pierrot Men, le pape Jean-Paul II à Madagascar, dans une Karenjy.

Peut-être que le pape Jean-Paul II, il s’est dit que puisque je suis à Madagascar, pourquoi ne pas monter dans une papamobile de Madagascar? Peut-être était-ce la meilleure chose à faire? Peut-être est-ce toujours la meilleure chose à faire d’ailleurs? Peut-être quand on dit qu’il faut consommer du Vita Malagasy, c’est pas juste des mots en l’air, c’est pas juste pour se donner bonne conscience et inciter les gens à haïr les autres produits mais bien à aimer (donc à supporter, à acheter, à faire la promotion) des produits locaux?

Mais bon, donner une voiture aux députés, c’est encore trop, tu ne trouves pas?

Oui, j’avoue, j’avoue, c’est encore trop. Mais voilà, le même article sur 2424.mg m’a éclairé et surtout soulagé sur le sujet, c’est dit:

Oui pour la Karenjy, mais sous conditions : plaque rouge obligatoire, justification des kilométrages et du carburant consommé pour les visites dans les circonscriptions électorales uniquement, le reste non remboursé.

  • Oui pour la Karenjy, mais plaque rouge obligatoire donc, c’est une voiture de fonction qui appartient à l’Etat et non à la personne du député en question,
  • Oui pour la Karenjy, mais justification des kilométrages et du carburant consommé pour les visites dans les circonscriptions électorales uniquement, le reste non remboursé donc, finie la gabegie concernant l’argent public, tout est surveillée, bien surveillée, comme dans les pays qui se donnent les moyens de se développer, de prospérer, d’être digne du respect de ses concitoyens et du monde,
  • Oui pour la Karenjy, mais sous conditions. Des conditions bien pensées, réalistes et réalisables.

J’imagine une Antenimiera avec des Karenjy dans le parking, des produits Vita Malagasy partout partout partout et une Antenimiera qui passe de solombavambahoaka (celui qui mange à la place du peuple) à solombavambahoaka (celui qui parle pour peuple). Le signal fort pourrait être: passer du 4x4 au Karenjy.

Quand je me mets à imaginer cela, je me dis que c’est fou comme rêve quand même. Mais moins fou que de rêver des Barea:

  • participer à la CAN,
  • battre le Nigéria,
  • arriver en quart de finales,
  • avoir des supporters modèles,
  • faire vibrer tout un peuple comme jamais auparavant dans toute l’Histoire de Madagascar.

Bien moins fou que ça comme rêve, car cette fois-ci, il suffit juste de le vouloir et d’agir pour affirmer le Vita Malagasy ou le Made In Madagascar par une action concrète. Envoyer le bon signal.

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Sources:

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mose njo

auteur sci-fi, founder of pepero ✨ "a madagascan renaissance man", according to google bard, chatgpt 4o and perplexity 👉 https://mosenjo.xyz/